jeudi 28 juin 2012

Le Bouvier et la tisserande (conte chinois)


garçon que l’on surnomma le Bouvier.
- Eh ! Bouvier prends le buffle et va t-en ! On ne veut plus de toi ici ! Allez, pars !
Le Bouvier prît le buffle et quitta la maison. Ils marchèrent longtemps avant d’atteindre le lac de l’Arc en Ciel.
- Et si on s’installait ici ! dit le bouvier au buffle. Il y a ce qu’il faut pour vivre.
- Bouvier ! Bouvier !
- Qui m’appelle ?
- Moi ! Buffle !
- Tu parles maintenant !
- Oui ! Quelque-chose à te dire ! Ecoute! Tu travailles aux champs comme une bête et, au clair de lune, tu chantes! Tu ne peux pas continuer à vivre comme ça!
Faut te marier. Avec une femme, ta vie sera plus douce.
- Aucune femme ne voudra de moi. Je ne suis qu’un gardien de buffles et encore d’un seul buffle !
- Demain, sera le septième jour du septième mois. Sept fées descendront se baigner dans le lac de l’Arc en ciel. Elles laisseront leurs robes au bord de l’eau.
Choisis la robe couleur pêche et prends-la. La fée qui la porte ne pourra plus repartir. Elle sera ta femme.
Le lendemain, le Bouvier fît ce que le buffle lui avait demandé.
- Mais où est ma robe ?…
- Dépêche-toi de la retrouver !
- Sans elle, tu ne peux pas repartir.
Les fées s’envolèrent la laissant seule chercher sa robe couleur pêche. Très vite, la fée aperçut le Bouvier.
- C’est moi qui ai pris votre robe!
- Pourquoi ?
- Pour vous parler.
Et le bouvier de raconter son histoire.
- Moi, on m’appelle la Tisserande. Je suis la plus jeune des petites-filles de la Reine-Mère du Ciel. Je tisse les couleurs du crépuscule. Et pour m’inspirer, j’observe le monde des hommes, les montagnes, les lacs, les arbres….. C’est
tellement plus beau et plus amusant que les cieux ! Si c’est ce que tu penses, alors reste avec moi.
Elle lui répondit par un sourire et ils se marièrent.
Au bout d’un certain temps, ils eurent un garçon puis une fille. La Tisserande était heureuse mais, parfois, son cœur  se serrait comme si son bonheur était en péril. Un soir, le buffle, fatigué, dit au Bouvier :
- Je suis vieux. A ma mort, garde ma peau et portes-la quand tu seras en difficulté.
Le buffle mourut et le Bouvier garda précieusement la peau. Quelques temps après, avec beaucoup de retard, la Reine-Mère du Ciel apprit qu’une de ses petites filles s’était mariée sur Terre et, elle entra dans une grande colère.
- Gardes, garde descendez sur Terre. Ramenez au ciel ma petite-fille, la Tisserande évidemment avec sa robe couleur pêche.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Et, un matin, la Tisserande, le coeur brisé, s’envola en criant à ses enfants :
- Allez avertir votre père !
Quand le Bouvier apprit ce qui venait d’arriver, il décida de partir à la recherche de sa femme
- Vite la peau! La peau du buffle !
Il l’enfila, installa chaque enfant dans un panier au bout d’une palanche qu’il porta à l’épaule et se sentant léger comme une plume, il s’envola. Soudain, dans le Ciel il aperçut sa femme, La Tisserande, escortée des gardes. Il
accéléra et allait la rejoindre lorsque la Reine-Mère du Ciel traça, à l’aide de son épingle à cheveux, un grand trait juste devant lui et aussitôt une large rivière apparut. Aucun humain n’aurait pu la franchir. Le Bouvier et ses enfants, d’un côté de la rivière, la Tisserande, de l’autre, se regardaient si tristement que La Reine-Mère du Ciel les prit en pitié :
Vous pourrez vous rejoindre une fois l’an, le septième jour du septième mois. Ce jour-là, des pies s’envoleront et viendront former une passerelle au-dessus de la rivière…….
qui n’est autre que la Voie Lactée. Encore aujourd’hui, de part et d’autre de la Voie Lactée, deux grandes étoiles se
font face, le Bouvier Céleste et la Tisserande et, à côté du Bouvier Céleste deux petites étoiles scintillent toujours dans la nuit.

La bouilloire magique (conte japonais)


Il était une fois un bonze qui avait acheté au marché une vieille bouilloire rouillée. De retour au temple, il dit aux jeunes garçons :
- Frottez bien cette bouilloire ! Je veux qu’elle brille !
- Oui maître.
Les jeunes garçons astiquaient avec énergie la bouilloire quand ils entendirent.
- Aie j’ai mal, j’ai mal !
Ils s’enfuirent en criant :
- Maître, maître…. la bouilloire…elle a parlé ! C’est un mauvais esprit!
J’aimerai bien l’entendre! Remplissez-la d’eau et apportez la moi.
- Oui maître.
Le bonze posa la bouilloire sur un brasero et, quelques instants plus tard, il entendit :
- Aie ça brûle, ça brûle !
Le bonze sursauta tandis que la bouilloire faisait des bonds et que l’eau chaude se déversait par terre.
- C’est sûrement un mauvais esprit… je ne peux pas garder cette bouilloire ici!




Au même moment, un brave homme qui ne mangeait pas tous les jours à sa faim entra.
- Tu tombes bien. Prends cette bouilloire !
- Quel beau cadeau ! J’ai vraiment de la chance !
- Prends-la et rentre chez toi !
- Merci !
Et le bonze le poussa dehors.
- Allez va, va !
Arrivé chez lui, l’homme disposa, sur une petite table basse, la bouilloire et un bol de riz blanc. Puis, il se tourna et se servit de la soupe. Quand il se retourna, le riz avait disparu !
- Où est passé le riz ? Je n’ai plus de riz…. Oh ! Quelle drôle de journée ….mais j’ai une bouilloire !
L’homme alla se coucher le ventre creux. Et dans son sommeil, il entendit :
- C’est moi qui ai mangé votre riz …. J’avais tellement faim …Je suis un tanuki …Je ressemble à un chien mais je n’aboie pas ! Par contre je grimpe aux arbres ! Pour que vous me pardonniez je vais vous raconter mon histoire. Quand j’étais petit… un jour où les tanukis adultes jouaient à se transformer en objets, j’ai voulu faire comme eux, je suis devenu une bouilloire mais après je n’ai pas su comment redevenir un tanuki !
L’homme se réveilla et vît qu’en effet la bouilloire avait la tête pointue d’un chien et de petites pattes !
- C’est un vrai tanuki avec un couvercle de bouilloire sur le dos !.......Oh ! Tu es mal tombé …..Je ne peux pas te nourrir !
- Je travaillerai pour vous ! Je sais faire de la voltige.
- Toi !
- Oui !! Oh, faites-moi confiance !
Le lendemain, au marché, l’homme monta sur une petite scène et appela les badauds :
- Venez voir le trapéziste voltigeur. Venez ! Et si le spectacle vous plaît, applaudissez fort ! Venez voir ! Approchez !
Le tanuki trapéziste voltigeur eût un grand succès qui dépassa les limites de la ville. On parla du spectacle dans toute la région. L’homme pauvre devint riche et il continua longtemps à montrer au public émerveillé son tanuki, le fameux trapéziste voltigeur.

Issunboshi le petit poucet samouraï (conte japonais)



Il était une fois, un garçon de très petite taille, de la taille d’un petit doigt. Ses parents l’appelèrent Issunboshi c’est à dire petit poucet. Un jour, Issunboshi grimpa tout en haut d’un bonsaï, un arbre nain, et s’écria :
- Que c’est beau !
Il voyait des fleurs de cerisiers au bord d’un ruisseau. Ce soir-là, il demanda :
- Papa, où va le ruisseau ? - A la rivière.
- Et la rivière ? - Derrière la montagne.
- Et après ? - A la ville de Kyo.
- A la ville de Kyo, qu’est-ce qu’il y a?
- Beaucoup de bruits ! Beaucoup de monde ….des marchands…. des artisans et des samouraï…
Issunboshi réfléchit :
- Papa je veux aller à Kyo.  - Issunboshi secoue ta tête pour chasser cette idée!
- Papa je vous demande humblement pardon …mais laissez-moi devenir un samouraï, un guerrier !- Vraiment ?
- Oui ! - Bien !
Avec une aiguille et un étui en paille, ses parents fabriquèrent un katana, un sabre et son fourreau. Puis, avec un petit bol et des baguettes en bois, un bateau et ses rames. Issunboshi prêt pour le départ s’inclina devant ses parents et leur dit :
- Papa, maman…. prenez bien soin de vous.
Quelques jours plus tard, arrivé à la ville de Kyo, Issunboshi se mît à la recherche d’une maison où devenir samouraï. Il eut la bonne surprise d’apercevoir, dans son jardin, le seigneur de Kyo.
- Que sa Seigneurie pardonne mon audace …. J’aimerais être un de ses samouraï dit Issunboshi en se prosternant, face contre terre. Le seigneur regarda Issunboshi et trouva amusante l’idée de prendre pour samouraï un si petit homme.
- Très bien. Tu devras apprendre à te battre avec un sabre et à tirer à l’arc. Tu devras aussi apprendre à lire, à écrire, à dessiner et à tenir un éventail.
- Oui, mon Seigneur.
Un jour que le Seigneur contemplait son étang aux nénuphars, sa fille, la princesse Sakura lui demanda :
- Père permettez-moi d’aller voir le temple de Kiyomizu.
- Oui… mais escortée de sept samouraïs. Souvent, sur la route, un démon apparaît et enlève les jeunes filles.


Puis il se tourna vers Issunboshi:
- Je compte sur toi aussi pour protéger la princesse Sakura. La princesse Sakura ! HA HA HA!
Le démon était bien sur la route! Les samuraï, sabre en main, l’attaquèrent mais, seul, Issunboshi lui échappa. Il lui criait :
- Je n’ai pas peur de toi ! Je n’ai pas peur de toi !
Le démon qui ne comprenait pas d’où venait cette voix finit par regarder à ses pieds :
- Bonhomme minuscule ! Comment oses-tu crier quand tu t’adresses à moi !
Il l’attrapa et l’avala.
- Maintenant princesse Sakura suivez-moi.
A peine avait-il prononcé ces mots qu’il se plia en deux.
- Aïe, j’ai mal! J’ai très mal !
Dans le ventre du démon, Issunboshi, de son sabre, frappait de toutes ses forces.
- Ouvre la bouche, démon ! Démon ouvre, ouvre ta bouche !
Dès que le démon ouvrit la bouche, Issunboshi apparût.
- Princesse Sakura, tout va bien ?
- Oui.
Issunboshi sauta au sol.
- Maintenant démon, déguerpis sinon tu auras affaire à moi ! T’as entendu ?
- Oui j’ai entendu.
Et le démon disparût tandis que la princesse Sakura ramassait un petit marteau qu’il avait laissé tomber ….oui, le petit marteau qui permet d’exaucer tous les voeux….
- Issunboshi, fais un voeu.

- Je veux être grand !
La princesse Sakura agita le petit marteau au-dessus de la tête d’Issoumboshi qui se mît à grandir …. à grandir….
De retour à Kyo, Issunboshi qui avait atteint la taille d’un homme adulte épousa la princesse Sakura et on dît qu’ils ont toujours été très heureux ensemble.

Hoichi, le joueur de koto (conte japonais)



Il était une fois, Hoichi, un joueur de koto. Hoichi vivait au temple d’Akama où un moine lui avait appris à jouer du koto, une sorte de cythare. Et, Hoichi avait vite dépassé tous les joueurs de koto de la ville.
Un soir d’été où Hoichi faisait brûler un bâton d’encens, il sentit une présence étrange et entendit…...
- Hoichi ! Hoichi !
- Qui m’appelle ?
- Hoichi !
- Mais qui êtes-vous ? Excusez-moi ….. Je ne vois pas. Je suis aveugle.
- Je suis un samouraï, un guerrier. Suis-moi !
Intrigué, Hoichi prît son koto et se leva.
- Monseigneur, le joueur de koto est là.
Le samouraï toucha l’épaule de Hoichi qui salua respectueusement avant de s’asseoir et de sortir son koto de son fourreau. La nuit était déjà bien avancée quand le samouraï raccompagnant Hoichi au temple lui confia :
- Mon Seigneur dit que ta musique charmerait même les oiseaux ! Il veut que tu viennes jouer pour lui les six prochaines nuits.
- Je viendrai.
Le lendemain soir, à la même heure, Hoichi entendit :
- Hoichi ! Hoichi !
- Je suis prêt !

De même, les soirs suivants. Mais un jour, Hoichi entendit son maître lui dire :
- Hoichi que fais-tu la nuit quand tu quittes le temple?
- Maître, je joue du koto à la cour du seigneur.
- Quel seigneur ?
- Celui du samouraï qui vient me chercher le soir en m’appelant par mon nom.
- Quel chemin prenez-vous pour arriver chez le seigneur ?
- Maître, nous traversons un pont en bois. Puis, nous prenons un chemin qui sent les plantes sauvages. Au bout d’un certain temps, le samouraï pose sa main sur mon épaule alors je sais que nous sommes arrivés.
- Tu n’as pas peur de suivre le samouraï?
- Au contraire, maître, comme le vent je file derrière lui.
- Hoichi, le samouraï est un fantôme. Il t’emmène sur la tombe de l’empereur Antoku, mort il y a quelques centaines d’années. Tu ne dois plus le suivre. C’est dangereux. Je vais inscrire une prière sur ton corps pour te protéger et te rendre invisible au samouraï.
Le soir qui suivit, le samouraï appela :
- Hoichi ! Hoichi !
Hoichi demeura immobile, assis en tailleur à côté de son koto. On aurait dit une statue.

- Le koto est là mais où est Hoichi …. Le fantôme chercha partout dans le jardin quand, soudain, il remarqua à côté du koto les deux oreilles de Hoichi qui flottaient dans l’air.
- Ah Hoichi est là mais il n’a plus de bouche pour me répondre ! Je ne peux pas faire attendre plus longtemps mon Seigneur, je dois l’emmener avec moi.

Il attrapa les oreilles de Hoichi et les tira si fort qu’il les arracha ! Le lendemain lorsque le maître se leva, il remarqua une tâche de sang à la place des oreilles de Hoichi.
- Hoichi, le fantôme a emporté tes oreilles ! Je te demande pardon ! J’avais oublié d’y inscrire la prière !
Certes, Hoichi n’avait plus d’oreilles mais, grâce à son maître, il avait échappé au fantôme.





Les grenouilles Samouraïs de l’étang des Genji


(Texte des Kazunari Hino -Traduit du japonais par Renée Garde)

 C’était, par un matin d’été, sur l’étang des Genji. On entendait chanter grenouillettes et grenouillets qui jouaient à « un-deux-trois-perdus ! » et à « chat perché » sur les feuilles de nénuphars.
Ah ! Comme il était grand l’étang des Genji, et comme il était vieux ! On ne savait plus depuis quand, au bord des eaux claires, poussaient tout plein de belles fleurs et de jolies plantes.

A l’ombre d’un cyprès plusieurs fois centenaire vit Grand-Père Crapaud tout plissé de rides.  A ces éclats de voix, voilà qu’il ouvre un œil… Il lâche un gros éternuement avant de mettre son biwa sur ses genoux et de gratter les cordes : beng, beng, beng

Grand-Père Crapaud au son de l’instrument accorde sa voix rauque et se met à chanter :
« Du monastère de Gion la cloche en écho
Et de l’arbre de Shara la couleur changeante
Dans un bruissement nous racontent
Qu’au souffle du vent les fleurs s’éparpillent
Et que même fortes les grenouilles faibliront. »
Beng beng beng beng beng beng…

Les petits aussi se mettent à chanter :
« Grand-Père Crapaud qui fait beng beng beng.
Grand-Père Crapaud tout plissé de rides.
Jusqu’au fond de ses rides, il se plisse encore
Beng beng beng, il se plisse encore… »

Alors Grand-Père Crapaud tout heureux leur dit :
Venez tous par ici, venez ! Je vais vous raconter une très vieille histoire, la très vieille histoire de la bataille de Genji et des Heiké.  Cela se passait à l’époque où le cyprès plusieurs fois centenaire n’était pas plus haut que vous, mes chers petits. Vous voyez comme elle est ancienne, mon histoire…
« Au bord de l’étang des Genji, depuis toujours vivaient plein de grenouilles, Crapauds des joncs, rainettes vertes et rainettes rousses. Le seigneur de l’étang, un crapaud tacheté, était un samouraï du clan des Genji et c’est pourquoi cet étang s’appelle l’étang des Genji, voyez-vous. Au bord de cet étang les jours s’écoulaient heureux et paisibles, et l’on entendit, porté par le vent, le son des pipeaux des grenouilles musiciennes.

Mais par un bel été survint la catastrophe : il faisait noir, très noir et chaud, quand un cri transperça la nuit.
« Au secours, au secours, quelqu’un ! »
Se demandant ce qui pourrait bien se passer, les grenouilles s’assemblèrent et, tremblant de peur, s’approchèrent. Elles virent une dame rainette verte avec une affreuse balafre dans le dos, et en tenue de samouraï une rainette rousse venue à son secours.
« La blessure n’est pas profonde. Remettez-vous, Madame. Mais que s’est-il passé ? »
La dame répondit : « Un monstre aux yeux luisants m’a soudain saisie de sa griffe et m’a jetée par terre. »
Sur le sol, au nombre de quatre, il y avait des empreintes que l’on n’avait jamais vues.
La grenouille samouraï s’adressa humblement à un jeune sonneur : « Messire Ushiwakamura, je vous prie d’annoncer avec votre pipeau qu’un monstre est apparu. »
Le jeune musicien souffla dans son pipeau : « Annonce à tous, alerte générale ! Aux abords de l’étang, un monstre est apparu ! Allez tous vous cacher tout au fond de l’eau ! ».

On réveilla le seigneur Yoritomo, le plus illustre du clan, qui donna l’ordre au Général des brigades Yoshinaka de lui faire un rapport. Puis, il se rendormit. Messire Yoshinaka donna l’ordre à ses samouraïs de lui faire un rapport. Puis, il bailla très fort. C’est alors qu’arriva une rainette rousse qui dit : « Je me permets, Messire Général, de vous signaler qu’on a trouvé près de l’étang des empreintes au nombre de quatre ainsi que ceci. » Elle lui tendit un objet long et blanc.
« Qu’est-ce que ça peut être ? C’est un objet dur mais souple… Tomoé, qu’en penses-tu ? »
Alors Tomoé répondit : « A mon humble avis, cela vient de la moustache d’un chat Heiké. Ces chats sont des êtres malfaisants qui depuis toujours s’amusent à nous terroriser, nous les pauvres grenouilles… Oui, ce doit être un poil de la moustache de Munémori qui demeure dans le bois des Heiké ! La cicatrice sur ma joue, c’est un des mauvais coups de ce chat-là ! »
« Au combat ! Samouraïs de l’étang, venez tous ! »
Sur ordre du seigneur Yorimoto, les grenouilles samouraïs de l’étang prirent leurs armures, leurs casques et leurs lances et se rassemblèrent tout autour de l’étang. Ce jour-là, le Général Yoshinaka portait une tunique en feuilles de bambou. Une armure à lacets d’églantier pourpre, et son casque en coquille de noix était garni de ronces en guise d’antennes. Il tenait un arc en tige de prêle et se disait que vingt flèches en aiguilles de pin devraient venir à bout d’un chat Heiké.
Tomoé, la guerrière au bandeau blanc sur la tête, cria : « En avant ! »


Cela faisait quand même une armée de dix mille grenouilles, et toutes vaillamment poussaient leur cri de guerre : « Oh… Hé ? Oh… Hé ! » en se portant à l’assaut du bois des Heiké. Mais avant même d’atteindre le bois… elles voient surgir ce chat malfaisant ! Voilà qu’au milieu des grenouilles, il fait un bond, donne des coups de dents, de griffes de tous côtés. Les grenouilles samouraïs envoient leurs flèches, mais les aiguilles de pin ne font pas mal au chat. Elles donnent des coups de lance, mais leurs lances-pissenlits ne font pas mal au chat, et leurs poignards en épines de cédratier ne se plantent pas dans son corps.
Pour les grenouilles malmenées, le combat fut perdu. L’armée de dix mille grenouilles battit en retraite. Le seigneur Yoritomo n’en revenait pas : les rangs de ses vaillants Genji avaient été vaincus. Il ne comprenait pas et ne savait que faire. C’est alors que le chat se montra et fit un tour de l’étang, qui laissa les grenouilles tremblantes comme des feuilles. Ah ! Que ce chat des Heiké était effrayant !
Derrière les grenouilles adultes regardant le chat, il y  avait un grenouillet, le jeune sonneur Ushiwakamaru, qui proposa une tactique géniale : « Les chats depuis toujours vivent sur la terre ferme, où nous ne pouvons l’emporter. Mais si nous, grenouilles, combattons sur l’eau, ce n’est pas un chat incapable de nager qui nous vaincra ! »
« Holà, méchant chat des Heiké ! Tu veux quelque chose à te mettre entre les griffes ? »
Et d’un bond, d’un seul sous le nez du chat, voilà qu’Ushiwakmura l’attire jusqu’au bord de l’étang. Sur l’étang flottait une feuille de nénuphar et Hop ! Ushiwakamura saute dessus. Le chat le suit sur une feuille énorme, qui ne s’enfonce pas. Ushiwakamura saute sur la feuille suivante et attend sans bouger.
« Il est fait ! » Se dit le chat en bondissant.
Aussitôt le nénuphar se mit à couler.
« Car, vois-tu, si tu t’engages sur une feuille pleine de trous, elle s’enfonce ! »
Le chat, dit-on, tout au fond de l’étang se  transforma en un tout petit crabe et c’est pour ça, dit-on, qu’au fond de cet étang, l’on trouve des crabes « à masque de Heiké ».

Ainsi se termine mon histoire de la guerre des Genji et des Heiké. » 
A ces mots, Grand-Père Crapaud s’enveloppe dans ses rides et sombre dans sa sieste.
Ciel d’été par-dessus l’étang, les petits aussi font la sieste au son d’une berceuse apportée par la brise tout doucement sur l’étang paisible des Genji.



Berceuse de l’étang des Genji

Les sept herbes du printemps, dites-moi, je vous prie leur nom !
La ravenelle, le chou-navet, la lampsane, la morgeline, la bourse à pasteur, le cerfeuil et l’immortelle.

Les sept herbes de l’automne, dites-moi, je vous prie, leur nom !
La mignonette, la puéraire, l’eupatoire, l’aigrette argentée, le grand trèfle des prés, la valériane…

Et pour la septième, que dirons-nous, le liseron pourpre ou la campanule ?

Eh bien, nous choisirons dans nos rêves !



Urashima Taro le pêcheur (conte japonais)



 Il était une fois, un jeune pêcheur, Taro. Un matin, prenant sa barque, il aperçut des garçons qui s’amusaient  à tourmenter une petite tortue.
- Mais ça ne se fait pas de faire souffrir un animal! Laissez cette pauvre tortue tranquille!
- Oncle Taro si on t’obéit, qu’est que tu nous donneras ?
- Je vous offrirai une toupie.
- On obéit à Oncle Taro ! dit le plus âgé d’entre eux.
Taro prît délicatement la petite tortue et la remit à l’eau.
- Au-revoir petite tortue ! Au-revoir !
Et il partît pêcher en mer.
A son retour, Taro alla acheter une toupie pour les garçons et, comme il était généreux, il prît aussi un cadeau pour ses parents. Quelques jours plus tard, Taro avait jeté son filet au large, lorsque, brusquement, le vent se leva. Debout, Taro ramait de toutes ses forces pour revenir vers la côte mais la barque chavira. Taro perdît connaissance et se sentit entraîné vers les fonds. Quand Taro se réveilla, il était assis sur le dos d’une grande tortue qui lui parla.
- Taro-san, monsieur Taro, vous avez sauvé mon fils des mains d’enfants cruels. Je vous en suis reconnaissante et je vais vous le prouver en vous emmenant au palais de la princesse de l’océan Otohimé-sama.
Au palais de la belle Otohimé-sama, Taro fût accueilli par la princesse en personne.
- Aimable Taro, sois le bienvenu. Ce soir, je donne une grande fête en ton honneur.
Dans le salon de cristal, Taro vit danser des poissons aux mille couleurs. Il goûta à des beignets de fruits de mer et à des gâteaux de riz servis par d’élégantes pieuvres rouges. Ensuite, la princesse chanta en s’accompagnant au koto une sorte de cithare.
Sakura
Yayoi no sora wa
Miwatasu kagiri
Kasumi ka kumo ka
Nioi zo izuru
Izaya, izaya,
Mi ni yukan
Cerisier (bis)
Le ciel du mois de mars est éternel
Brume et nuages se dissipent
Allons voir (bis)
allons voir les cerisiers...
Taro ne s’apercevait pas du temps qui passait. Il vécut une année heureux sans soucis. Puis, peu à peu, il se mît à penser à sa famille et il eût envie de retourner chez lui.
- Belle princesse, vous m’avez donné beaucoup de bonheur …. mais il est temps que je rentre à la maison.
- Taro je regretterai ton départ mais fais ce qu’il te plaît. En signe d’amitié, accepte ce Tamaté-bako, cette boîte…ne l’ouvre jamais.
Taro s’inclina profondément pour saluer la princesse et s’en alla.
En un rien de temps, la grande tortue le déposa au rivage. Taro courut vers sa maison, il avait hâte de retrouver sa famille. Mais ….à l’endroit où aurait dû se trouver sa maison il y avait un jardin avec des arbres centenaires.
- C’est pourtant ici ! Je ne me trompe pas !
Il alla au village pensant y trouver la réponse aux questions qu’il se posait…. mais au village il ne reconnut rien ni les maisons ni les personnes qu’il croisait ! Inquiet, il se dirigea vers un vieillard et en s’inclinant lui demanda :
- Est-ce que vous connaissez la maison d’Urashima Taro?
Oh non, il n’y a personne de ce nom au village ……mais … mais laissez-moi réfléchir….il y a bien longtemps quand j’étais petit, j’ai entendu mon grand-père raconter qu’un gentil garçon du nom d’Urashima Taro avait disparu en
mer un jour de tempête et que ses parents en sont morts de chagrin.
- Vous avez entendu ça quand vous étiez petit ?
Taro n’en revenait pas ! Comment était-ce possible qu’une année passée au palais de la princesse corresponde à cent ans sur terre. Pendant qu’il réfléchissait, il regarda la boîte que la princesse lui avait offerte.
Cette boîte. Ne l’ouvre jamais…
Et si j’ouvrais cette boîte ? Que peut-il m’arriver de pire que ce que je vis en ce moment ? pensa-t-il en ouvrant la boîte. Une fumée blanche s’en échappa et l’enveloppa. Alors, ses beaux cheveux noirs devinrent tout blancs,
son dos se voûta, ses mains se mirent à trembler et, Taro ressembla à un très, très, très vieux monsieur. Et oui la princesse, en signe d’amitié, avait offert à Taro l’éternelle jeunesse et avait enfermé dans la boîte sa vieillesse.